INCIDENT NIVEAU 2 DU 8 OCTOBRE, QUESTIONS-RÉPONSES MARC ST AROMAN ET HERMINE DURAND (ASN)
Incident niveau 2 du 8 octobre, questions-réponses entre Marc St Aroman (Amis de la Terre Midi-Pyrénées et Stop Golfech) et Hermine Durand (ASN)
Voici donc l’extrait du mail reçu hier de Me Hermine Durand que je remercie pour son travail, concernant nos interrogations sur le problème d’octobre dernier. Me Durand précise que l’ASN est toujours en instruction sur ce problème et que l’autorité attend encore des réponses d’EDF. Suite à ces dernières, l’ASN demandera une analyse complémentaire à l’IRSN. Les 4 mois d’analyse montrent que l’on est pas du tout sur une affaire banale !
Les réponses apportées ci-dessous dans le corps du texte éclairent parfaitement de nombreux points mais, bien que ne disposant pas de suffisamment de connaissances sur ces situations peu décrites dans les documentations, je reste sceptique sur d’autres points : par exemple sur le fait que le pressuriseur ait pu quasiment se vider par son simple conduit de liaison au circuit primaire alors qu’il était en dépression. Marc St Aroman (16-12-2019)
Objet : ESS n°24 à Golfech du 8 octobre 2019
// ESS : Événement Significatif pour la Sûreté
«Comme vous avez eu l’amabilité de nous demander si les réponses au problème survenu le 8 octobre 2019 à Golfech, apportées lors de la CLI du 4 décembre dernier nous satisfaisait : après échanges et prise de connaissance auprès des ami-e-s de Stop Golfech voici les éléments que les citoyens exposés aux menaces de la filière atomique doivent pouvoir connaître plus de deux mois après la survenue des faits :
Première phase du problème : pas d’ouverture des évents de mise à l’atmosphère du pressuriseur lors de la phase d’arrêt du réacteur n°2 de Golfech.
Marc : A quelle heure est survenu le problème ? Nous n’avons pas réussi à voir sa mention dans les divers rapports.
H.D. : L’absence d’ouverture de l’évent du pressuriseur par l’agent de terrain dans le bâtiment réacteur a eu lieu entre 10h et 10h15 le 8 octobre 2019. La vidange du circuit primaire a ensuite commencé à 10h50.
Marc : Quelle était l’activité radiologique et neutronique dans le bâtiment réacteur auxquelles le technicien chargé de l’ouverture de l’évent était soumis lors de cette phase ?
H.D. : L’ASN ne dispose pas de cette information et ne l’a pas demandée dans le cadre de son instruction : question à poser à EDF. L’ouverture de l’évent du pressuriseur est une activité normale d’exploitation prévue à chaque arrêt qui n’amène pas l’agent de terrain à prendre une dose significative.
Marc : Le parcours à effectuer par le technicien semble représenter plus de 6 étages d’escaliers : confirmez-vous cette hypothèse ?
H.D. : L’ASN ne dispose pas de cette information et ne l’a pas demandée dans le cadre de son instruction : question à poser à EDF.
Marc : Enfin, pourquoi le travailleur a-t-il été dérangé dans l’exécution de sa tâche et surtout quel était le niveau du dérangement au point de le perturber pour lui faire signaler (Information non confirmée par vos divers documents ou ceux d’EDF) une activité comme réalisée alors qu’elle ne l’était pas : cette question est d’autant plus importante que lors du problème du 19 octobre 2016, toujours à Golfech, l’opérateur qui remplissait le dégazeur a également été appelé à réaliser une autre tâche et n’a été alerté sur son oubli que par une alarme de dépassement de seuil à la cheminée de rejet atmosphérique.
H.D. : L’agent de terrain a été interrompu dans son activité par des prestataires qui cherchaient un local dans le bâtiment réacteur. Après les avoir accompagné dans le local, il est revenu auprès du robinet et a coché sur son document la case « ouvert », certain d’avoir procédé à cette ouverture. Il a ensuite appelé la salle de commande pour l’informer que le robinet était ouvert. Cette erreur individuelle n’est toutefois pas l’unique cause de cette partie de l’événement : l’absence d’un contrôle technique (= vérification par une personne indépendante) adapté sur cette activité en est une autre.
Marc : Il n’y a aucune donnée sur les éventuelles interventions sur la vanne de l’évent de la cuve dans toutes les don-nées officielles : merci de vos précisions sur ce point, découvert grâce à votre « Note technique Événement significatif INES 2 réacteur 2 de Golfech-1 ».
H.D. : Il n’y a pas eu ouverture de l’évent de la cuve lors de l’événement du 8 octobre 2019 : l’écart concernant l’évent du pressuriseur a été détecté et corrigé avant.L’évent du couvercle de la cuve a été ou-vert le lendemain (donc après l’ouverture de l’évent du pressuriseur) pour reprendre la vidange du circuit primaire.
Deuxième phase : exécution de la vidange du circuit primaire par le circuit de refroidissement à l’arrêt durant 8 h avec une condition fondamentale oubliée.
Marc : le circuit de refroidissement à l’arrêt RRA fait son travail et aurait fait tomber, après 8 h de fonctionnement, l’eau du circuit primaire en dessous de 60 °C selon vos données. Cela ferait environ une baisse de 100°C (a). Cependant de la vapeur s’est formé dans un circuit fermé ce qui évoque une ébullition dans le circuit primaire à une pression d’une trentaine de bar. Vu que la vapeur s’est immiscée par-tout dans le circuit primaire, le circuit RRA a lui même été été impacté ce qui n’a pu manquer de provoquer des défauts de circulation au niveau des pompes : ont-elle subies des dégradations et font-elles parties des éléments qui ont du être rem-placé lors de l’arrêt ?
H.D. : La température initiale de l’eau du circuit primaire, avant de commencer la vidange, était de 40 °C environ.Le refroidissement du réacteur n’a pas été interrompu. La température est restée sensiblement constante à la suite de cet évènement. Le phénomène d’ébullition à bas-se température survient lorsque la pression, en cas de vidange sous vide d’air, diminue jusqu’à la pression de saturation. Le phénomène a provoqué une baisse transitoire de la pression de refoulement des pompes du circuit RRA, a priori sans les endommager. L’exploitant doit encore confirmer que les caractéristiques nomina-les des pompes RRA ont été récupérées après ce transitoire. Les pompes RRA n’ont pas été remplacées au cours de l’arrêt.L’instruction des éléments transmis à ce jour par l’exploitant devrait permettre de répondre plus précisément à votre question : je reviendrai vers vous sur ce point.
Marc : De ce qui précède les bulles d’air ont obligatoirement affecté le refroidissement du combustible et probablement entraîné une caléfaction qui, elle même, a pu entraîner des points chauds sur les gaines. Lors de l’arrêt qui a suivi, tout le combustible a-t-il été inspecté, y compris les deux tiers non renouvelés lors de l’arrêt ? Des dégâts ont-ils été constatés sur les seules faces qui peuvent être observées ? Des barres de combustible ont-elles du être remplacées en plus de celles liées au au renouvellement ?
H.D. : Au cours de cet évènement, les assemblages n’ont pas été découverts et le refroidissement des assemblages par le circuit RRA n’a pas été affecté.Il n’y a pas eu d’impact sur le combustible.
Marc : Lors de cette phase, avec tous ces mouvements de vapeur entre toutes les parties du circuit primaire n’y a-t-il eu aucun signe d’alerte en salle de commande ? Et à l’intérieur du bâtiment ou des opérateurs pouvaient encore être présents, y-a-t-il eu constat d’effets anormaux ?
H.D. : À ma connaissance, le seul impact remonté en salle de commande a été la défiabilisation des capteurs de niveau d’eau dans le pressuriseur. Des mouvements incontrôlés d’eau et d’air se sont produits à l’ouverture sous vide de l’évent du pressuriseur.Il est peu probable que ces phénomènes aient été perçus de manière acoustique par les agents de terrain présents dans le bâtiment réacteur.
Marc : Seulement une petite partie de l’eau borée du circuit primaire a pu s’échapper du pressuriseur vu qu’il était en dépression : sur les environ 30 tonnes que contenait ce dernier avez vous une estimation du volume restant au bout des 8 h ? Et concernant ce volume, quelle était sa température moyenne ?
H.D. : Le pressuriseur était quasiment vide d’eau liquide lorsque l’évent du pressuriseur a été ouvert. Il ne contenait plus que de la vapeur à la pression de saturation (environ 70 mbar).
Marc : Quelle valeur de température du cœur ont donné les thermocouples de la cuve ? Même question sur l’activité neutronique du cœur.
H.D. : Les thermocouples du système d’instrumentation « incore » mesurant la température en sortie des assemblages de combustible n’est plus en service dans cette phase d’exploitation, puisque l’instrumentation est mise à l’arrêt en vue des opérations d’ouverture du couvercle de la cuve. La température est surveillée par la mesure dans les boucles primaires et le refroidissement est assuré par le circuit de refroidissement à l’arrêt (RRA).
Marc : De tout ces éléments, la réponse d’EDF selon laquelle le combustible serait resté sous l’eau nous paraît fantaisiste puisque impossible à prouver. Merci de vos informations sur ce point suite à votre expertise.
H.D. Comme indiqué plus haut, les assemblages de combustible sont restés sous eau. Ils auraient pu être découverts en cas de perte du refroidissement par le circuit RRA.
Marc : La fausse manœuvre ayant durée 8 h, il y a une forte présomption de changement d’équipe au poste de pilotage du réacteur. Ces changements d’équipes ont-ils joué un rôle dans le déroulement du problème ? Si la réponse est positive, de quelle manière ? Comment se passent les consignes entre équipes quand des opérations aussi critiques sont engagées ?
H.D. : L’ensemble de l’événement a concerné 3 équipes de quart : le 8/10 ma-tin, après-midi et nuit. Il y a manifestement des lacunes dans les supports de relève de quart pour le suivi des paramètres de l’installation. Le compte-rendu de l’évènement indique que les opérateurs de l’après-midi n’avait pas connaissance du volume d’eau vidangé par l’équipe du matin. Cette erreur a retardé la détection de l’écart.
Troisième phase : ouverture des vannes du pressuriseur de mise à l’atmosphère du circuit primaire.
Marc : Votre document indique qu’à la découverte de l’absence de la mise du circuit primaire à la pression atmosphérique, l’opération prévue dans les spécifications techniques d’exploitation aurait exigé de rétablir d’urgence le niveau d’eau primaire ainsi qu’à la remise en service des circuits du système de protection du réacteur éliminés dans cette phase de fonctionnement réel difficilement évaluable par les opérateurs : pourtant des cas répertoriés par la NRC montrent que, dans cette situation une éventuelle nécessité d’injection de sécurité n’aurait pu être effective suite aux conditions de pression régnant dans le circuit primaire (b).
H.D. : L’ouverture de l’évent du pressuriseur a permis l’arrivée d’air provenant d’un circuit d’air. Le réacteur n’était pas en communication avec l’atmosphère du bâtiment réacteur. A la détection de l’écart, l’équipe de conduite aurait dû procéder à un appoint en eau plutôt qu’à l’ouverture de l’évent du pressuriseur.
Marc : Vous indiquez également que l’ouverture de la vanne a provoqué « une baisse immédiate et rapide » du niveau d’eau dans le pressuriseur. On peut formuler l’hypothèse que l’on se serait trouvé dans une situation ou, environ 30 tonnes de liquide de refroidissement à une température estimée à 100 °C (Cf : estimation réalisée en attente de la question posée dans paragraphe précédent), se sont retrouvés largués dans un circuit primaire en dessous de 60 °C (Donnée extraite de votre descriptif). Dans tous les cas, le circuit primaire s’est retrouvé face à une augmentation brutale de sa pression de plu-sieurs kg/cm² qui s’est exercée sur tous les composants internes du circuit primaire, en particulier de la cuve, de son combustible, des générateurs de vapeur, et surtout un circuit RRA de conception basse pression. La NRC précise que le système d’évacuation de la chaleur résiduelle transfère la chaleur de désintégration des produits de fission et toute autre chaleur résiduelle du cœur du réacteur à une vitesse telle que les limites acceptables de conception du combustible et les conditions de conception de l’enveloppe sous pression du calo-porteur du réacteur ne soient pas dépassées (c) : EDF vous a-t-elle prouvée que toutes ces conditions précitées ont été respectées lors de cet événement ?
H.D. : L’ouverture de l’évent du pressuriseur a provoqué des mouvements d’eau par rééquilibrage statique, sur le principe des vases communicants.
Marc : La mise à la pression atmosphérique, après la phase d’injection d’air dans le circuit, a-t-elle ensuite entraîné un reflux de rejets de vapeurs contaminées dans l’environnement ? Même interrogation sur le bâtiment réacteur ou se trouvaient apparemment d’autres travailleurs.
H.D.: Il n’y a pas eu de rejet dans l’environnement. Les évents ne sont pas connectés à l’atmosphère du BR mais lignés sur des circuits qui collectent ce qui est susceptible d’en sortir.
Marc : Cet énorme phénomène mécanique a forcément été ressenti dans toute l’installation, y compris en salle de commande: merci de nous donner des informations sur ce point
H.D. : Comme indiqué plus haut, le transitoire n’est pas perceptible de manière acoustique.
Marc : Parallèlement à tout cela, un autre phénomène physique s’est engagé au niveau du cœur avec une injection bru-tale et massive d’une eau à une température différente -dans une seule branche des 4 qui conduisent au cœur -de celle qui régnait quelques secondes auparavant. Ce cœur s’est donc retrouvé avec un violent déséquilibre de température entre ses différents parties qui a, de fait, pu instaurer une variation brutale de la réactivité fonction du delta réel de températures. Comme vous signalez des mouvements d’eau et d’air en sens opposés entre la cuve et le générateur de vapeur, ont-il engendré des effets vibrations, de chocs mécaniques importants ? L’opérateur à la manœuvre de la vanne a du, pour sa part , éprouver une grande frayeur suite à l’évacuation brutale de ces tonnes d’eau du pressuriseur vers le circuit primaire. Merci de vos données sur cet aspect.
H.D. : Comme indiqué plus haut, le refroidissement du réacteur n’a pas été affecté. La température est restée sensiblement constante, aux alentours de 40 °C.
Marc : En conclusion : en complément de toutes les données sollicitées ci-dessus, merci de préciser tous les matériels qui ont été effectivement remplacés par EDF suite à cet événement : pompes, barres de combustible, soupapes, capteurs divers (Niveau, pression, température, activité… ).
H.D. : Les joints n°1 des 4 groupes moto-pompes primaires ont été remplacés à titre préventif.
Marc : Malgré toutes ces inconnues, il nous apparaît clairement que ce problème mérite un classement au niveau 3 sur l’échelle INES. Dans tous les cas il paraît disposer de tous les éléments pour devenir une référence pour éviter son renouvelle-ment au niveau mondial dans les registres de l’AIEA… et hélas encore une complexification d’un travail d’opérateurs déjà bien difficile.
H.D. : Le niveau 3 serait probablement justifié si le refroidissement du réacteur avait été interrompu, entrainant le découvrement du cœur. Le niveau 2 est justifié par la prise en compte d’un facteur additionnel pour défaut de culture de sûreté, de prise en compte du retour d’expérience et d’absence de démarche interrogative dans l’enchainement des actions de conduite.